ENTREVUE AVEC MAURICIO – Mouvement des jeunes de la rue
26 juin 2014

ENTREVUE AVEC MAURICIO – Mouvement des jeunes de la rue
PAR LAURENCE GUÉNETTE
ACCOMPAGNATRICE DU PAQG,
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2008

La réalité des jeunes de la rue, au Guatemala comme ailleurs, est d’une dureté inouïe et offre peu d’issues; les jeunes se réfugient dans les drogues pour supporter le reste, la prostitution et la détresse. Ils se joignent à l’un des gangs de rue de la capitale, ou en subissent les violences. Ils sont victimes du nettoyage social entrepris par des agents de sécurité privée ou les autorités policières.
Parmi les quelques milliers de jeunes vivant dans les rues de la capitale, certains trouvent un appui auprès de MOJOCA, Le Mouvement des Jeunes de la Rue. Ce projet s’intéresse surtout aux jeunes entre 16 et 25 ans, pour qui peu d’organismes existent vu leur âge “avancé”, mais qui ont néanmoins un grand besoin de soutien pour améliorer leur condition. MOJOCA base ses interventions sur un principe de participation du jeune à son propre processus de libération, de dignification et d’indépendance. Mauricio est un jeune homme de 21 ans, parvenu à sortir de la rue avec l’aide de cet organisme. Il est depuis quatre ans membre de la coordination et intervenant dans la rue pour le projet MOJOCA.

PAQG : QUELLES SONT LES CIRCONSTANCES QUI MÈNENT LES JEUNES À LA RUE?
M : Il existe plusieurs motifs. Les jeunes de la rue sont souvent issus de milieux très pauvres, où ils souffrent du manque de ressources et parfois de mauvais traitements au sein de leur famille, notamment de la part de leurs pères ou de leurs frères. Parfois ils se retrouvent dans la rue à cause de mauvaises fréquentations qui les initient au monde de la drogue. Ces jeunes cherchent une famille, une chaleur humaine qui n’existe pas chez eux et ils vont la chercher dans la rue sans connaître les conséquences et les dangers qui s’y trouvent.

PAQG : COMMENT LA SOCIÉTÉ ET LES AUTORITÉS TRAITENT-ELLES LES JEUNES DE LA RUE?
M : Il existe plusieurs associations ou organismes qui travaillent pour appuyer les enfants ou les jeunes, mais de la part du gouvernement il n’y a pratiquement aucune aide. Les policiers, malheureusement, ont beaucoup de préjugés et représentent une certaine menace pour les jeunes.

Certains policiers les intimident, les battent, les volent, ou exigent d’eux qu’ils leur fournissent certaines choses, menaçant de les envoyer en prison s’ils n’obéissent pas. Et la population en général se montre discriminatoire envers eux, les insulte, les arrose dans la rue. Ils sont perçus comme une plaie pour la société parce qu’on considère qu’ils ne servent à rien… Mais les gens ne se rendent pas compte des capacités et des habiletés qu’ils possèdent. C’est pour ces raisons que lorsque l’on intervient auprès d’eux dans la rue, on touche aux thèmes de l’estime de soi aussi bien qu’à ceux des droits et des obligations. Nous cherchons à les mettre au courant des lois pour qu’ils puissent se défendre face aux autorités qui abusent de leur pouvoir.

PAQG : AVEZ-VOUS REMARQUÉ DES CHANGEMENTS DANS LES MANIFESTATIONS DE DISCRIMINATION OU DE VIOLENCE ENVERS LES JEUNES DE LA RUE DANS LES DERNIÈRES ANNÉES?
M : Le 13 mars, il y a un an, a été décrété jour de la non violence envers les jeunes de la rue; toutefois la société et les autorités manquent encore énormément de considération pour eux. Depuis quelques années, il y a davantage de violence envers ces jeunes, surtout par les sicarios (NDLR: sicaires) qui les attaquent souvent, les menacent, ou leur tirent dessus. Ceux qui sont le plus attaqués sont souvent ceux qui semblent plus vulnérables, démunis et drogués, et qui ne peuvent pas se défendre. Le problème est que les sicarios, de même que la police, confondent ces jeunes avec les gangs de rues, ou pandillas, parce qu’ils ont des tatouages. Alors ils interviennent avec violence.

PAQG : DE QUELLE FAÇONMOJOCA INTERVIENT-IL AUPRÈS DES JEUNES?
M : Tout commence dans la rue; on se promène pour entrer en contact avec eux. Quelques fois les coordonateurs qui, comme moi, s’approchent des jeunes dans la rue, font face à beaucoup de méfiance. Certains jeunes ayant déjà été approchés par divers groupes qui prétendaient vouloir les appuyer ont vécu de très mauvaise expériences ou ont été maltraités. Mais lorsqu’on leur explique ce qu’est MOJOCA, et que nous-mêmes, les coordonateurs, sommes d’anciens jeunes de la rue, ça nous aide à établir un meilleur contact. Ensuite ils sont invités à intégrer les processus éducatifs du projet, les formations en boulangerie, en couture, en cuisine ou en charpenterie. On vérifie, avec l’appui de l’infirmière qui travaille ici, comment se porte leur santé physique. Il y a également deux psychologues qui s’occupent de leur santé mentale, qui offrent leur présence pour que les jeunes puissent parler, partager et se développer malgré tout le dommage qui leur est causé dans la rue.

Lorsqu’ils se sentent prêts et qu’ils manifestent le désir de faire de gros changement dans leur vie et d’interrompreleur consommation de drogues, ils demandent à intégrer l’une des maisons. Ces dernières sont gérées par les jeunes qui y vivent, avec l’appui d’un responsable; elles offrent une stabilité et un espace de partage propice au développement de leur estime de soi et de leurs capacités à gérer un budget, à trouver un emploi, etc.

Il y a aussi un programme spécifiquement conçu pour les jeunes mères issues de la rue. Elles sont appuyées pour pouvoir parvenir à traiter leurs enfants différemment de ce qu’elles ont elles-mêmes subi, et leur donner un bel exemple. Elles ont ainsi le pouvoir de briser le cycle de la violence, d’éviter que l’histoire ne se répète et d’assurer à leurs enfants une vie meilleure.

PAQG : QUELLES SONT LES PERSPECTIVES D’AVENIR DES JEUNES AVEC QUI TRAVAILLE MOJOCA?
M : Ils voient l’avenir positivement. Ils ont envie, par exemple, d’obtenir un micro crédit pour ouvrir une boulangerie, de travailler et de former une famille. Ils ont des rêves et ont besoin d’appui et de formation pour se construire une vie indépendante. Quand à MOJOCA en tant que tel, l’objectif serait qu’un jour le projet soit autogéré exclusivement par d’anciens jeunes de la rue ayant reconstruit leurs vies.

SOURCES:
-CASA ALIANZA GUATEMALA: HTTP://WWW.CASA-ALIANZA.ORG/ES/NEWS.PHP .
-RED DE AMISTAD CON LAS MUCHACHAS Y LOS MUCHACHOS DE LA CALLE Y MOJOCA HTTP://WWW.AMISTRADA.NET/F/ .

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